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Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique de Balli Kaur Jaswal

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Le résumé:

« Londres, de nos jours
Âgée d’une vingtaine d’années, Nikki vient d’abandonner ses études et travaille dans un pub en attendant de trouver sa voie. Une émancipation peu courante pour une jeune femme sikh. Jusqu’au jour où, partie déposer une annonce au temple de Southall pour sa sœur en quête d’un mariage arrangé, Nikki tombe sur une étonnante offre d’emploi : on cherche une enseignante pour donner un cours de creative writing à un petit groupe de femmes siks. Elle aime lire, elle aime écrire, elle saute sur l’occasion.
Mais alors qu’elle pensait animer un atelier d’écriture à des apprentis auteurs, elle se retrouve face à une poignée de femmes majoritairement analphabètes, délicieusement déchaînées, bien décidées à parler d’érotisme et à partager leurs expériences amoureuses et familiales, souvent comiques, parfois bouleversantes, mais toujours pleines d’humanité… »

Ma chronique :

« Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique » de Balli Kaur Jaswal sort aujourd’hui aux éditions Belfond dans la collection #LeCercleBelfond.

Dès la première page, le ton est donné : « Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique » s’inscrit dans un mélange Orient-Occident. Une fusion qui commence avec les deux filles de la famille Grewal.

Nikki est une jeune fille de 22 ans, moderne, qui fume et qui souhaite vivre sa vie comme elle l’entend. Elle n’a d’ailleurs pas hésité à s’opposer à son père qui voyait en elle une future avocate. Nikki est indépendante, elle a préféré fuir le domicile familial pour être libre. Elle travaille dans un pub, a un appartement et se débrouille comme elle peut. Nikki veut faire ce qu’elle veut, le seul problème, c’est qu’elle ne sait pas exactement ce qu’elle veut !

Tout le contraire de sa sœur, Mindi. Agée de 26 ans, Mindi est infirmière et vit toujours avec sa mère, -leur père étant décédé deux ans auparavant. Elle rêve du prince charmant  et aspire à un mariage arrangé. En tant qu’aînée et pensant faire plaisir à leur mère, Mindi veut trouver un bon mari qui pourra aussi les aider financièrement. Ce à quoi s’oppose fermement Nikki, considérant les mariages arrangés comme une entrave à la liberté et une régression. Alors qu’elle est dépêchée par sa sœur de déposer une annonce au temple de Southall, quartier où vivent grand nombre de sikhes, Nikki est loin d’imaginer que c’est une autre annonce qui va bousculer sa vie.

En répondant à cette offre d’emploi, apparemment innocente, de cours à donner à des femmes indiennes, Nikki ne s’attend pas à trouver un groupe de veuves qui ne souhaitent pas apprendre l’anglais mais bel et bien libérer leur parole. Que ce soit Arvinder, Preetam ou encore Sheena, ces femmes, dont la plus jeune est à peine âgée de 36 ans, sont cantonnées à leur statut de veuves. Elles doivent toujours paraître éplorées, s’habiller avec un « salwaar-kameez » blanc, couleur qui définit leur statut de veuves, et surtout elles n’ont plus le droit d’être en contact avec des hommes. Comment alors continuer de vivre lorsque la communauté sikhe considère que votre statut de veuve vous condamne à une solitude éternelle ?

Ce cours avec cette jeune femme d’origine pendjabi mais tellement occidentale est l’occasion pour elles de n’être plus considérées comme des veuves, de ne plus être enfermées dans leur statut mais de redevenir des femmes. Malheureusement, les traditions sont omniprésentes, et même en vivant dans un pays occidental et moderne, ces femmes sikhes ne doivent pas déroger à certaines règles.

J’ai trouvé que ce roman prenait de l’épaisseur dans la seconde moitié du récit. Car plus les veuves se dévoilent, plus elles mettent en avant la vie dans la communauté, les règles à accepter, l’honneur à respecter. L’histoire parallèle qui raconte le destin de Maya (fille de la patronne de Nikki) témoigne parfaitement de cette existence dictée. Un monde avec lequel Nikki est moins familière. Ses parents se sont choisis, aimés, ont fait des études et ont laissé leurs filles libres de leur choix, ce que la jeune femme comprendra tardivement.  Avec ces femmes, Nikki comprend que si elle, a le choix, ce n’est pas le cas pour toutes. Et elle va vite l’apprendre à ses dépens.

« Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique » met en relief ces notions de traditions et modernité et montre à quel point il est difficile pour des jeunes femmes, vivant en Occident, de se soumettre encore à des traditions ancestrales. A travers ce club des veuves, c’est toute une société qui est dépeinte. Comment être une femme pendjabi en Europe ? Comment résister à la tentation de la modernité quand vous vivez dans un pays libre ? Ces femmes sont emplies de paradoxes, femmes plurielles qui sont à la frontière des traditions et de la modernité, qui sont « un mélange Orient-Occident ». Les mariages arrangés, pour certaines à l’âge de dix ans, les ont rendues malheureuses et ont détruit leur vie. Certaines ont même perdu la vie. Car s’opposer à un mariage, et plus généralement s’opposer à leur père, est un signe de déshonneur. Et pour la plupart, mieux vaut la mort plutôt que le déshonneur…

Je conseille ?

Ce roman est passionnant. Si le titre et l’histoire d’un club de veuves écrivant des histoires érotiques prêtent à sourire, ce livre n’a pourtant rien de léger. C’est une observation profonde d’une communauté bercée par les coutumes. L’auteure n’oppose pas l’Orient et l’Occident mais au contraire montre à quel point il est important de rassembler, d’essayer de fusionner. La rencontre entre Nikki et ces veuves ne sera que bénéfique et permettra de soulever des problèmes, de libérer ces femmes et surtout de les respecter à nouveau.

 

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