Mes chroniques·Roman

Aucune pierre ne brise la nuit de Frédéric Couderc

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Le résumé:

« Dans un musée du Havre, la rencontre entre Gabriel et Ariane n’aurait pas dû avoir lieu – lui le réfugié argentin, elle la femme de diplomate. Mais devant la mystérieuse toile d’un peintre de Buenos Aires, les fantômes du passé ressurgissent, tout comme les ombres de la passion. À l’heure où les enquêtes sur les trente mille disparus sous la dictature reprennent, chacun s’embarque alors dans une quête où la vérité menace d’être plus dévastatrice encore que le mensonge… »

Ma chronique:

« Aucune pierre ne brise la nuit » est paru le 3 mai dernier aux éditions Héloïse d’Ormesson. Reçu dans le cadre du Coup de cœur des Lectrices du mois de juillet du magazine Version Femina, je ne me doutais pas en lisant le résumé à quel point ce récit allait être troublant.

Janvier 1998: Ariane et Gabriel se rencontrent dans un musée au Havre devant le tableau « Le grupo de La Boca » sur les français d’Argentine d’un certain Ferdinand Constant. Ariane est professeure de français et vit à Paris depuis peu avec Bertrand, son mari diplomate, et leur fille Clara. L’Argentine, Ariane la connaît bien, ayant vécu une partie de sa vie d’expatriée là-bas. L’Argentine, Gabriel la connaît aussi très bien puisque c’est ce pays qu’il a voulu fuir, préférant oublier les fantômes du passé. Vingt ans auparavant, la dictature argentine est en place, les militaires commettent les pires atrocités à l’ESMA, l’Ecole de Mécanique de la Marine, le principal centre de torture à Buenos Aires. Une des victimes s’appelle Véronique Constant et n’est autre que la fiancée de Gabriel…

Le lendemain de cette rencontre, la vie d’Ariane bascule. Alors qu’elle range des papiers de son mari, elle découvre avec effarement ce que Bertrand lui a caché pendant vingt ans. Leur fille adoptive fait partie des bébés volés nés dans le « Campo de Mayo ». Anéantie, bouleversée, Ariane ne peut se rapprocher que d’une seule personne, quelqu’un de familier avec l’Argentine: Gabriel. Un rapprochement très rapide (qui m’a d’ailleurs au début beaucoup surprise) mais prémonitoire. Car effectivement, Gabriel peut très bien la comprendre. Hasard du destin ou simple coïncidence, peu de temps après leur rencontre aussi, il apprend que vingt ans auparavant, Véronique  était enceinte lors de son enlèvement par les militaires de l’ESMA. Véronique est morte, victime des vols de la mort mais le bébé est toujours vivant et est né la même année que Clara…

Je ne connaissais que très peu cette période de l’Histoire et ses atrocités. Même si le sujet est très grave, ce roman n’est pas pesant. A travers le récit de Gabriel, Ariane et Clara, Frédéric Couderc met en lumière les destins de ceux et celles qui ont été enlevés et tués, ces jeunes mères anesthésiées et ligotées puis jetées d’un avion dans le Rio de la Plata, tous ces innocents victimes des « milicos », dont un nombre certain étaient des membres de l’OAS (l’Organisation de l’Armée Secrète, clandestine et ultra violente, créée pour s’opposer à l’indépendance de l’Algérie par un groupe d’ultras ). L’auteur rend aussi hommage à toutes ces « abuelas », ces grands-mères de la place de mai qui recherchent leurs petits-enfants inconnus. Car il ne faut pas oublier non ceux qui restent, victimes eux aussi et amputés d’un être cher.

Bouleversé dès sa jeunesse par la dictature argentine, Frédéric Couderc livre ici une enquête détaillée et très documentée. Les faits historiques se mêlent à la fiction pour décrire les dégâts irréparables de la folie humaine. Le lecteur est alors spectateur de familles brisées, d’amour perdues, sur fond de culpabilité paternelle. L’auteur questionne en outre l’identité. Est-il possible de se construire quand on ne connaît pas son identité? Clara, qui représente tous les enfants volés à la naissance, ne connaît pas ses vrais parents et a été arrachée à sa famille. Toutes ces vies ont été brisées par la dictature.

Je conseille?

J’ai appris beaucoup de choses avec ce roman. L’écriture est fluide, le récit se lit facilement. « Aucune pierre ne brise la nuit » mérite d’être découvert. Un récit coup de poing et nécessaire pour ne pas oublier l’horreur.